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  • domingo, 5 de janeiro de 2014

    Inhumer ou incinérer, telle est la question

    Traduction: Jean Emmanuel Nunes

    Paris / France




    Bien que pratiquée depuis la plus lointaine Antiquité, la crémation (incinération d’un cadavre jusqu’à ce qu’il soit réduit à l’état de cendres) est un sujet controversé dans l’opinion des sociétés contemporaines occidentales. Dans les ères reculées, la pratique de la crémation intervenait pour deux raisons différentes : celle liée à la nécessité de ramener les guerriers morts pour y recevoir une sépulture dans leur patrie, à l’image de ce qui se faisait chez les Grecs ; ou pour des motifs religieux, comme parmi les peuples nordiques, qui souhaitaient libérer de cette façon l’esprit de sa geôle physique et d’éviter que le désincarné puisse causer des préjudices aux incarnés.

    A Rome, sans doute, du fait du rituel adopté pour brûler les corps des soldats morts, la crémation s’est transformée en symbole de prestige social, de sorte que la construction de « Columbaria » s’est transformée en commerce rentable (1). Depuis longtemps, les Indiens et autres peuples adeptes de la réincarnation savent que le corps physique, une fois mort, ne peut plus être habité par un esprit, car cela serait contraire à la Loi naturelle ; alors, le cadavre peut être incinéré, c’est-à-dire transformé en cendres, sans le moindre effet traumatique.

    Les œuvres de la codification spirite ne disent rien à propos de la crémation. Aussi, il faut croire que le problème de l’incinération du corps ne mérite pas une étude prolongée parmi nous. Et ce parce que, si pour les uns le processus d’incinération ne se répercute pas dans l’esprit, pour beaucoup d’autres, derrière le défunt se cache souvent l’âme inquiète et souffrante, se posant d’étranges questions dans une veille torturée ou dans un sommeil plein d’angoisse. Pour de semblables voyageurs de la grande journée, la crémation immédiate des restes mortels est un cauchemar terrible et douloureux. 

    Il y a des courants idéologiques qui s’opposent à la crémation, se fondant presque toujours sur des motifs d’ordres médico-légaux (dans les cas établis par la loi, au nom de l’intérêt général, lorsque la mort n’est pas naturelle), affectifs (lorsque les proches considèrent l’incinération du corps trop violente et qu’il souhaite préserver les restes mortels pour le culte du mort), ou liés à une logique d’ordre religieux (parce que bien des personnes croient encore à la résurrection du corps etc…) principalement, parce que l’église de Rome y était opposé et refusait même le sacrement aux personnes incinérées. On peut y ajouter une autre objection (sans doute la plus sérieuse) : la méconnaissance des choses de l’esprit qui persiste en grande partie du fait d’une peur infondée, du fait de préjugés enracinés et du fait du manque d’information (2). 

    En outre, la question entourant la crémation a des implications sociologiques, juridiques, psychologiques, éthiques et religieuses. D’autant que le sujet concerne toutes les personnes (il faut se souvenir que chacun de nous sera confronté à cette fatalité biologique, et désincarnera). D’après une thèse réalisée sur le sujet, chaque 70 ans, la planète aura un nombre d’enterrés d’une quantité identique à celle des incarnés actuels, c’est-à-dire que d’ici 7 décennies, il y aura 6 milliards de cadavres enterrés. 

    Pendant que ceux qui bénéficient d’un enterrement traditionnel (inhumation) le défendent pour attendre le jugement final et la résurrection du corps physique, ceux qui défendent la crémation affirment que l’enterrement a des conséquences sanitaires et économiques et, d’après leurs raisonnements, ils expliquent que les cimetières provoqueraient de sérieux dégâts au milieu ambiant et à la qualité de vie de la population en général. Des experts attestent que les cimetières contamineraient l’eau potable qui les traverse et produirait de sérieux risques pour la santé humaine dans les résidences se situant à proximité, sans parler des eaux de sources qui peuvent contaminer ceux qui résident loin des cimetières.

    La planète a des limites spatiales, ce qui équivaut à dire que des milliards et des milliards de corps enterrés inonderont le sol, que les eaux seront inondées de jus d’autolyse (liquide formé à partir de la décomposition des corps, qui attaque la nature et provoquerait des maladies), disséminant des maladies et faisant encourir d’autres risques dont les chercheurs et techniciens sanitaires se préoccupent. D’un autre côté, l’emploi de la crémation en fera diminuer la charge économique, comme par exemple : acquérir un terrain pour y construire un caveau, assurer la maintenance des tombes, compte tenu de ce que dans les grandes villes, il y a un manque d’espace pour construire des cimetières etc.… Mais en ce qui concerne notre pays, on peut être tranquille car, comme Chico Xavier le rappelle : « il existe encore beaucoup de terres au Brésil, et de ce fait on peut en déduire qu’il ne sera pas nécessaire de copier rapidement des coutumes en désaccord complet avec notre habitude spirituelle » (3). 

    Du point de vue spirituel, le sujet est plus complexe si l’on considère que, bien souvent, l’esprit ne comprend pas sa situation ; ne se croyant pas mort, il se sent vivant. Cet état perdure tout le temps qu’il existe un lien entre le corps et le périsprit (4). Le périsprit, délié du corps, éprouve une sensation ; mais comme celle-ci ne lui parvient pas à travers un canal limité, elle se généralise. On peut dire que les vibrations moléculaires se font sentir dans tout l’être, parvenant ainsi à son sensorium commune (5), à savoir l’esprit lui-même mais sous une forme différente. 

    Kardec précise : « Dans les premiers moments qui suivent la mort, la vue de l’esprit est toujours trouble et confuse ; elle s’éclaircit à mesure qu’il se dégage, et peut acquérir la même clarté que pendant la vie, indépendamment de sa pénétration à travers les corps qui sont opaques pour nous » (6). Aussi, l’homme qui vivra toujours sobrement s’économisera bien des tribulations, et sentira moins les sensations pénibles. Donc, pour celui qui vit sur la Terre en cultivant la pratique du bien, sous ses multiples formes, quelles que soit ses croyances, la désincarnation n’entraînera pas de perturbations, compte tenu de sa conscience élevée et d’un cœur plein de vérité et d’amour.

    A la question de savoir si celui qui est mort depuis peu peut souffrir de l’incinération de sa dépouille charnelle, Emmanuel répondit : « En cas de crémation, il est important d’être charitable envers les cadavres, en différant de bien des heures l’acte de destruction des viscères matérielles, des premiers temps suivants le détachement des liens, car, d’une certaine manière, il y a toujours beaucoup d’échos de la sensibilité existante entre l’esprit désincarné et le corps dont s’est éteint le tonus vital, de par les fluides organiques qui offrent encore à l’âme des sensations de l’existence matérielle » (7).

    Chico Xavier, alors qu’il était interviewé lors du programme « Pinga fogo » de la défunte TV TUPI de São Paulo, répondit au journaliste Almir Guimaraes, qui l’interrogeait à propos de la crémation des corps qui s’implantait à l’époque au Brésil, expliqua : « J’ai déjà entendu Emmanuel à ce sujet, et il affirme que la crémation est permise à tous ceux qui le désirent, dès lors qu’il y a une période d’au moins 72 heures d’attente pour y procéder dans n’importe quel four crématoire, ce qui pourra se produire après le dépôt de la dépouille humaine dans un environnement froid » (8). Néanmoins, Richard Simonetti, dans son livre « Quem tem medo da morte » (= qui a peur de la mort), regrette que dans les fours crématoires de São Paulo, il faille obligatoirement y procéder dans le délai de 24 heures, alors pourtant que le règlement permet de laisser le cadavre dans la chambre frigorifique tout le temps que la famille désire (9). Il serait donc bon qu’on laisse un délai supérieur.

    Le spiritisme ne recommande ni ne condamne la crémation. Mais, il est nécessaire d’avoir de la pitié envers les cadavres, en prenant le temps avant de procéder à l’incinération des viscères matérielles (10). Car il existe bien des répercussions sensibles entre l’esprit désincarné et le corps que le « fluide vital » a quitté, durant les premières heures qui suivent le détachement, compte tenu des fluides organiques qui répercutent dans l’âme les sensations de l’existence matérielle. L’impression de la désincarnation est perçue, ce qui peut provoquer des traumatismes psychiques. C’est pourquoi, il est recommandé aux adeptes de la Doctrine spirite, qui désirent opter pour la crémation, de différer l’opération d’un minimum de 72 heures après le décès.
    Jorge HESSEN, 
    « A luz na mente », le 13 juin 2009

    Taduction : Jean Emmanuel NUNES


    Bibliographie :

    1)    édifice comportant des niches pour les urnes funéraires
    2)    l’église romaine, par un acte du saint-Office datant de 1964, accepte la crémation, et offre de réaliser les sacrements aux incinérés, permettant des obsèques ecclésiastiques. D’ailleurs, en note de bas de page de son « Traité » (vol. II.P.534) le professeur Justino Adriano indique la chose suivante : « Jesus Hortal, en commentant le nouveau code de droit canon dit que la discipline de l’église à propos de la crémation des cadavres qui, pour des raisons historiques, étaient totalement interdites, fut modifié par instruction de la Sainte congrégation du saint-Office, du 5 juillet 1963 (AAS 56, 1964, p. 882-3). Grâce à la modification introduite dans le nouveau rituel des obsèques, il est possible de réaliser les rituels sacramentels, y compris au sein du crématorium, évitant donc le scandale et le danger d’indifférence religieuse ».
    3)    Francisco Candido Xavier, Escultores de Almas
    4)    Essai théorique sur la sensation chez les esprits (question 257, Livre des esprits)
    5)    Sensorium commune : expression latine désignant le siège des sensations, de la sensibilité
    6)    Essai théorique sur la sensation chez les esprits (question 257, Livre des esprits)
    7)    Francisco Candido Xavier, Emmanuel, Le consolateur
    8)    Les deux interviews historiques du regretté Francisco Candido Xavier auprès de la défunte TV TUPI de São Paulo (Canal 4), en 1971 et 1972, respectivement reprise dans les livres « Pinga fogo com Chico Xavier » (ed. EDICEL) et « Plantão de respostas, Pinga fogo II » (ed. CEU)
    9)    Richard Simonetti, «  Quem tem medo da morte », 1987
    10) Témoignage de Chico Xavier, revista de espiritismo n°33, octobre 1996