Traduction: Jean Emmanuel Nunes
Paris / France
D’après Léon Denis, le culte des morts s’est forgé à une
époque très lointaine et se retrouve dans la quasi-totalité des tendances
religieuses. Pour l’auteur de « Après la mort », la commémoration des
morts est, quant à elle, un leg des Celtes. Les Gaulois, au lieu de commémorer
dans les cimetières, entre les tombes, célébraient dans leurs foyers le
souvenir des amis repartis, et non pas perdus, et évoquaient la mémoire des
esprits aimés, qui parfois se manifestaient à travers les druides et les bardes
inspirés (1).
Ils ne vénéraient donc pas les restes cadavériques, mais
l’âme survivante, et c’était dans l’intimité de chaque habitation qu’ils
célébraient le souvenir de leurs morts, loin des catacombes, à la différence
des peuples primitifs. La Fête des Esprits était d’ailleurs d’une grande
importance pour eux puisqu’ils rendaient hommage à Samhain, « le Seigneur de la
mort », une fête qui commençait toujours la nuit précédent le 1er
novembre, c’est-à-dire dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre.
Les Romains expulsèrent et détruisirent les druides, en
imposant le fameux « christianisme clérical » (ou colérique ?). Cette
période historique de frénétique agitation, mutilée plus tard par les barbares
au cours d’une nuit de dix siècles (l’indigeste Moyen Âge), qui a proscrit le
spiritualisme et intronisé la superstition, le surnaturel, le miracle, la
béatification, la sanctification et l’endormissement décisif de la conscience
humaine.
L’histoire officielle de l’église romaine indique que ce fut
au sein du monastère bénédictin de Cluny, dans le sud de la France, qu’en l’an
998, Saint Odilon, abbé, a promu la célébration du 2 novembre en mémoire des
morts, pour la replacer dans une perspective catholique. Mais c’est en 1311 que
Rome approuva la célébration de la mémoire des défunts. Cependant, c’est Benoît
XV qui universalisa cette célébration, en 1915, parmi les catholiques, de sorte
que l’extension de la religion aida plus encore à la diffusion de cette
coutume.
La législation en vigueur au Brésil établit le 2 novembre
comme étant un jour férié dans tout le pays, afin que les personnes puissent
rendre hommage à leurs «morts». Objectivement, on doit respecter les
désincarnés en ayant l’amour et la fraternité pour objectif, sans qu’il soit
nécessaire de consolider nos nobles sentiments face à des tombes, ni que nos
souvenirs ou hommages se déroulent un jour spécial, fixé officiellement.
Aujourd’hui, cette célébration a été détournée, notamment le
rituel religieux, puisque l’aspect mercantile a pris le pas sur l’aspect
sentimental et émotionnel, dès lors que la commercialisation des fleurs, des
cierges, des images de saints, d’étoffes, et celui de la conservation des
tombes (dont on ne se souvient habituellement qu’en novembre) répondent à ce
protocole social.
La splendeur des sépultures funèbres est établie par les
parents qui désirent honorer la mémoire du défunt, relevant la vanité et
l’orgueil de ces parents, qui, psychologiquement, cherchent d’abord à s’honorer
eux-mêmes. Ce n’est pas toujours pour le défunt qu’ils procèdent à toutes ces
démonstrations, mais par arrogance, ou pour l’estime du monde, et parfois pour
exhiber sa richesse. Or, il ne sert à rien au riche de s’aventurer à éterniser
sa mémoire au travers d’un mausolée magnifique.
Des bienfaiteurs, nous recevons de sages enseignements à
propos des funérailles et de la commémoration
des morts. Voyez : « Les Esprits sont-ils sensibles au souvenir de
ceux qu'ils ont aimés sur la Terre ?
-
Beaucoup plus que vous ne pouvez le croire ; ce souvenir ajoute à leur
bonheur s'ils sont heureux ; et s'ils sont malheureux, il est pour eux un
adoucissement » (2).
S’agissant, du
Jour des défunts, ils affirment que c’est une journée comme les autres, car les
esprits sont sensibles à nos pensées, pas aux célébrations humaines. Le Jour
des défunts, ils « sont plus
nombreux ce jour-là, parce qu'il y a plus de personnes qui les appellent ; mais
chacun d'eux n'y vient que pour ses amis, et non pour la foule des indifférents
» (3).
La massive visite
traditionnelle de la sépulture ne signifie pas qu’elle apporte une satisfaction
aux morts, puisqu’une prière à leur intention leur sera plus profitable. Il est
bien vrai que « La visite au tombeau est
une manière de manifester qu'on pense à l'Esprit absent : c'est l'image. Je
vous l'ai dit, c'est la prière qui sanctifie l'acte du souvenir ; peu importe
le lieu, si elle est dite par le cœur » (4).
Des personnes (beaucoup d’ailleurs)
demandent, avant même de mourir, à être enterré dans tel ou tel cimetière.
Cette attitude, sans l’ombre d’un doute, démontre leur infériorité morale. « Que fait un coin de terre plutôt qu'un autre
pour l'Esprit élevé ? » (5).
Réfléchissons ensemble : le Jour des
Défunts est-il consacré aux défunts libres ou aux morts encore attaché à la vie
matérielle ? Deux types de morts sont possibles : ceux qui se sentent
totalement libres de leurs vestes charnelles, et donc « vivants » pour la vie
spirituelle pleine, d’une part, et, d’autre part, ceux qui conservent la sensation
d’être encore incarné et qui sont pourtant « morts » pour la vie physique, ne
vivant dans la spiritualité qu’une vie animale. « Pour le monde, les morts sont ceux qui ne sont plus revêtus de
chair ; pour Jésus, ce sont ceux qui vivent immergés dans la matière, étrangers
à la vie première qu’est la vie spirituelle. Voilà ce qui explique le célèbre
enseignement évangélique où une personne qui souhaitait suivre le Maître,
demandait d’abord à pouvoir enterrer son père qui venait de décéder »
(6). Et Jésus proclama alors : « Laisse
les morts enterrer leurs morts, mais toi, va annoncer le Règne de Dieu »
(7).
Bien sûr,
« mieux vaut se souvenir avec joie,
et non se lamenter, de ceux qui sont parti et qui sont pleinement vivants. Le
Jour des défunts est un ensemble de joie et de douleur, de présence et
d’absence, de fête et de nostalgie. A nous qui restons ici, il nous faut
réfléchir et célébrer la vie avec amour et tendresse, pour ensuite, peut-être,
ne pas sombrer dans l’amertume du regret. A ceux qui sont parti, notre prière,
notre gratitude, notre souvenir, notre tendresse, notre amour ! »
(8).
Si nous sommes capables de prier en toute sérénité et
confiance, transformant la nostalgie en espérance, alors nous ressentirons
parmi nous la présence de nos parents et amis désincarnés, enveloppant notre
cœur de joie et de paix. Pour cette raison et bien d’autres, faisons du 2
novembre un jour de révérence à la vie, en nous souvenant tendrement de ceux
qui précèdent notre retour dans la patrie spirituelle, tout comme de ceux qui
partagent le chemin de notre existence terrestre.
Jorge HESSEN
Le 3 novembre 2015
Source : A luz na mente, revista online
Traduction : J.E.
Bibliographie :
1) Le génie celtique et le monde
invisible, Léon Denis
2) Livre des esprits, Allan Kardec, q. 320
3) Livre des esprits, Allan Kardec, q. 321
4) Livre des esprits, Allan Kardec, q. 323
5) Livre des esprits, Allan Kardec, q. 325
7) Luc, 9:60
8) Jornal Mundo Espirita, novembre 2006,
éditorial