Traduction: Jean Emmanuel Nunes
Paris / France
Sans qu’il soit nécessaire de préciser les différents sens des termes « héritage » (du latin haerentia) et « spoliation » (du latin spollium), je vous propose de considérer que ces mots visent l’ensemble des biens faisant partie du patrimoine laissé par un désincarné, devant être partagé, après inventaire, entre les incarnés (héritiers ou légataires). L’héritage, c’est donc le droit d’hériter (recevoir quelque chose d’une situation antérieure). En voici certains exemples classiques : « mon grand-père a laissé une ferme de Goias en héritage à mon père » ; « Santiago a dilapidé l’héritage de ses parents », « ma tante m’a laissé en héritage un appartement à Brasilia ».
Habituellement, l’homme contemporain aspire
à «recevoir un petit héritage de ses proches parents aisés », « à
être bien dans sa vie », « à bien gagner sa vie », voire même à «
travailler pour s’enrichir », bien qu’il ne s’agisse, bien souvent, que de
mirages. Aussi, ce dessein matérialiste des temps actuels est le résultat de «l’ignorance des valeurs spirituelles sur la
Terre, où l’on peut vérifier l’inversion de presque toutes les conquêtes
morales. Ce fut cet excès d’inquiétude, s’agrégeant à un égoïsme effréné, qui
provoqua la crise morale que le monde connaît, au travers de sinistres
spectacles que l’homme physique peut reconnaître, depuis la radio jusqu’aux
croisières transatlantiques, démontrant que l’on a bien plus besoin de vérité
que d’argent, de bien plus de lumière que de pain» (1).
En outre, certaines personnes très riches
expérimentent un désintéressement matériel significatif. Ainsi, Warren Buffet,
quatrième homme le plus riche du monde, a promis de donner 99% de sa fortune
avant de désincarner. Et il commença en annonçant qu’il en offrait 83% à la
fondation Gates. Le milliardaire affirma qu’il voulait donner à ses enfants
suffisamment pour qu’ils puissent sentir qu’ils pouvaient tout faire mais, sans
excès, pour qu’ils ne considèrent pas n’avoir rien à faire. Le puissant Bill
Gates, l’homme le plus riche du monde, Michael Bloomberg, Nigella Lawson et le
chanteur britannique Sting ne laisseront pas leur fortune en héritage à leurs
enfants. Tous défendent la thèse selon laquelle leurs enfants doivent travailler
pour gagner leur propre argent (2).
La question est intéressante. Les héritiers
qui ne s’y attendait pas doivent réfléchir au fait « qu’il est des biens
infiniment plus précieux que ceux de la terre, et cette pensée aidera à vous
détacher de ces derniers. Le peu de prix qu’on attache à une chose fait qu’on
est moins sensible à sa perte. L’homme qui s’attache aux biens de la terre est
comme l’enfant qui ne voit que le moment présent ; celui qui n’y tient pas
est comme l’adulte qui voit des choses plus importantes, car il comprend ces
paroles prophétiques du Sauveur : Mon royaume n’est pas de ce monde »
(3).
S’agissant de la question de la spoliation,
l’esprit Humberto de Campos expose, dans « Cartas e crônicas » (=
lettres et chroniques), ceci : « Dans vos familles, faites attention aux testaments. Des maladies
soudaines peuvent surgir inopinément et, si vos papiers ne sont pas en ordre,
vous pourriez souffrir de bien des affronts, se déroulant devant les tribunaux
ou chez les notaires…» (4).
La convoitise d’un héritage est si effective
et si grave que l’esprit André Luiz conseilla lui aussi que l’on procède à une
appréciation prudente « des
questions afférentes aux testaments, aux résolutions et aux vœux, avant la
désincarnation, afin que le désincarné ne puisse pas éprouver les probables
chocs issus de l’incompréhension inattendue des parents et des proches. Car le
phénomène de la mort exprime une réalité presque totalement incomprise sur la
Terre » (5).
Le Codificateur posa aux Esprits la question
suivante : « Le principe en vertu
duquel l’homme n’est que le dépositaire de la fortune dont Dieu lui permet de
jouir pendant sa vie, lui ôte-t-il le droit de la transmettre à ses
descendants ? ». Les bienfaiteurs répondirent que : « L’homme peut parfaitement transmettre après
sa mort ce dont il a eu la jouissance pendant sa vie, parce que l’effet de ce
droit est toujours subordonné à la volonté de Dieu qui peut, quand il veut, empêcher
ses descendants d’en jouir ; c’est ainsi qu’on voit s’écrouler les
fortunes qui paraissent le plus solidement assises. La volonté de l’homme pour
maintenir sa fortune en sa lignée est donc impuissante, ce qui ne lui ôte pas
le droit de transmettre le prêt qu’il a reçu, puisque Dieu le retirera quand il
le jugera à propos » (6).
Le partage des biens est presque toujours
une épreuve très difficile tant pour les incarnés que pour les désincarnés.
Kardec explora aussi ce thème, repris à la question 328 du Livre des esprits,
lorsqu’il interrogea les « Voies de
l’au-delà » quant au fait de savoir si le désincarné participait à la
réunion de partage de ses héritiers. Les bienfaiteurs spirituels affirmèrent
que : « Presque toujours ; Dieu
le veut pour sa propre instruction et le châtiment des coupables ; c’est
là qu’il juge ce que valaient leurs protestations ; pour lui tous les
sentiments sont à découvert, et la déception qu’il éprouve en voyant la
rapacité de ceux qui se partagent ses dépouilles l’éclaire sur leurs
sentiments ; mais leur tour viendra » (7).
Ce sujet nous conduit aux ères apostoliques
lorsque quelqu’un dans la foule questionna Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Jésus lui
dit : qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages. Et
il leur dit : Attention ! Gardez-vous de toute avidité ; ce
n’est pas du fait qu’un homme est riche qu’il a sa vie garantie par ses biens
» (8).
Pour terminer, on conclura avec la réflexion
d’Humberto de Campos : « si vous
possédez un peu d’argent ou détenez certaines possessions terrestres, et que
vous êtes réellement enclins à faire des donations, n’attendez pas. De grands
hommes que le monde admirait du fait de leur habileté et de leur volonté de
concrétiser d’importantes affaires, apparaissent auprès de nous, en de
nombreuses occasions, semblables à des enfants désespérés parce qu’ils ne
parviennent pas à manœuvrer les talons de chèques » (9).
Jorge
HESSEN
Source : Revista A luz na mente, 6 août
2014
Traduction : J.E. NUNES
Bibliographie :
1) F.C. Xavier, O consolador, q. 68
2) Veja.abril.com, 2 avril 2014
3) Allan Kardec, E.S.E., chap. 16, §14
4) F.C. Xavier, Cartas e cronicas, chap. 4
5) Waldo Vieira, Conduta espirita
6) Allan Kardec, E.S.E., chap. 16, §15
7) Allan Kardec, Livre des esprits, q. 328
8) Luc, 12:13-15
9) F.C. Xavier, Cartas e cronicas, chap. 4